Carte Blanche

Les services publics, un choix de société

Bien souvent, la discussion sur les services publics se résume à des déclarations péremptoires dénonçant, tour à tour, l’importance des dépenses publiques et la prétendue inefficacité des services publics. Cette condamnation, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, prend appui sur un discours médiatique et politique véhiculant une image négative de l’action économique des pouvoirs publics.

Ainsi, les « charges » sociales seraient un fardeau, la « pression » fiscale écrasante, la « dette » publique une menace et le « trou » de la Sécu un danger…

À cela, il faut ajouter la mauvaise utilisation faite des données statistiques. Ainsi, il est d’usage de comparer une série d’indicateurs au produit intérieur brut (PIB), cette mise en perspective, critiquable à bien des égards, permet cependant de faciliter la comparaison de données.

Pourtant, lorsque l’on évoque les dépenses publiques, il n’est pas rare de lire qu’elles représentent, dans notre pays, 55 % du PIB. Cette présentation laisse croire que les pouvoirs publics ponctionneraient 55 % de la richesse produite ne laissant que 45 % aux autres acteurs économiques. Rien n’est moins vrai : en effet, le PIB ne sert ici que d’étalon de mesure, d’unité de référence. Les dépenses publiques ne sont donc pas un prélèvement de plus de la moitié du PIB mais représentent l’équivalent de 55 % de celui-ci. La nuance est de taille !

Ce vocabulaire crée un imaginaire collectif peu propice au renforcement des services publics. Ce 23 juin, journée internationale des services publics, nous donne l’occasion de présenter les choses autrement et de rappeler que les choix économiques sont, purement et simplement, des choix politiques !

Montée en puissance de la solidarité

C’est un fait incontestable, au cours du siècle dernier, les dépenses publiques ont, dans les pays occidentaux, considérablement augmenté. Ainsi, les économistes Vito Tanzi et Ludger Schuknecht révèlent qu’entre 1870 et 2000, elles sont passées de l’équivalent de 11 % du PIB à environ 45 %.

Cette étude ne peut cependant servir de prétexte pour affirmer que ces dépenses sont trop élevées. Il importe, avant tout jugement de valeur, de s’interroger sur ce que représente politiquement une telle augmentation.

Que s’est-il passé au cours du vingtième siècle pour justifier pareille hausse ?

La réponse est simple, cette augmentation est le résultat d’une montée en puissance de la solidarité et de l’égalité par la création de la sécurité sociale, l’accessibilité pour tous aux soins de santé, à l’enseignement, à la culture, aux moyens de communication.

Pour l’essentiel, cette augmentation traduit la montée en puissance de l’état social de services publics.

Penser les services publics de cette façon, c’est refuser toute vision réductrice qui en ferait un filet de sécurité venant au secours des plus démunis. Bien au contraire, en permettant à tous, sans condition ni discrimination, l’accès à des services de qualité, les services publics sont les leviers d’une égalité en acte reconnaissant chacun d’entre nous, non pas comme des consommateurs, mais comme des citoyens.

Au contraire des politiques d’austérité.

Il est, dès lors, important de rappeler que le « service public » ne peut être confondu avec les concepts de « services d’intérêt général » ou de « services d’intérêt économique général ». Le service public est à la fois PLUS et MIEUX que ces concepts.

PLUS car les services publics englobent tous les services qui, en permettant aux Citoyens d’exercer leurs droits fondamentaux, leur donnent les moyens de mener une vie conforme à la dignité humaine.

MIEUX car les services publics, par l’organisation de la solidarité, sont autre chose qu’un simple palliatif des insuffisances du marché. Ils montrent au contraire qu’une autre économie – non plus centrée sur l’appropriation privée des ressources collectives par un petit nombre d’individus – est non seulement possible mais aussi une voie d’avenir pour redéployer des logiques politiques publiques démocratiques, les seules qui soient soucieuses d’un développement social, culturel et économique en harmonie avec la dignité humaine et la protection écologique de la planète.

Pour toutes ces raisons, nous refusons les politiques d’austérité qui pèsent lourdement sur la grande majorité de la population, aggravent les inégalités et déstabilisent notre modèle social.

Pour nous, signataires, le champ des services publics, loin d’être réduit, doit, au contraire, être étendu. Il ne s’agit donc pas, dans les prochains exercices budgétaires, de réduire les dépenses mais bien d’augmenter les recettes.

En effet, la question des services publics est étroitement liée à la fiscalité. Nous exigeons donc une fiscalité plus juste et plus progressive afin de doter les pouvoirs publics des moyens nécessaires pour assurer leurs missions et poursuivre la marche vers plus d’égalité !

Liste des signataires au 22 juin 2023 :

Patrick Lebrun, secrétaire général CGSP wallonne

Laurent Pirnay, secrétaire général adjoint CGSP wallonne

Rudy Janssens, secrétaire général CGSP Bruxelles

Jean-François Tamellini, secrétaire général FGTB wallonne

Geoffrey Goblet, secrétaire général Centrale générale

Françoise Bernard, présidente SETCA wallon

Hillal Sor, secrétaire général MWB-FGTB

Minervina Bayon, secrétaire régionale FGTB Liège-Huy-Waremme

Enzo Gramaglia, secrétaire régional FGTB-Brabant wallon

Vincent Pestieau, secrétaire régional FGTB Charleroi Sud-Hainaut

Daniel Richard, secrétaire régional FGTB Verviers-Ostbelgien

Joël Thiry, secretaire regional FGTB Luxembourg

Gaetan Vanneste, secretaire regional FGTB Wallonie Picarde.

2023-06-23 Carte Blanche Les services publics un choix de société-signatures-.pdf

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Patrick Lebrun

Patrick Lebrun

Editeur responsable, Secrétaire général, IRW CGSP

 

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